Nous interrompons votre programmation spéciale pour une annonce officielle du président du Conseil des Nations Unis, Wallace Hung-Jackson.
« Citoyens, citoyennes du monde, nous avons échoués.
C’est au travers des nations qui sont encore en place que je vous présente ma démission et demande si ce n’est votre pardon, votre compréhension.
Il y a onze ans, la violence mondiale atteignit des sommets sans précédents. Aucune nation ne fut épargnée par la peur, les morts et l’insécurité. Le peuple grondait des gratte-ciels de Pekin aux plages de Californie. La tension se sentait dans l’esprit des gens, dans leurs habitudes et dans leurs regards vis-à-vis des autres. L’eau pure se faisait rare, et plus chère. La nourriture, réduite par les changements climatiques devenait un bien moins diversifié, moins abordable. La haine grandissait entre les nations, et les conflits cachés autour des ressources débouchaient sur des conflits armés. Le fossé se creusait entre le haut et le bas des sociétés, et ce plus vite que jamais auparavant. Ces facteurs facilitèrent la Guerre. Mais ce fut notre inaction qui la permit.
Au début, le pétrole s’est épuisé. Cela a créé un vide, un vide si important qu’il a affecté le monde entier. Une crise énergétique à laquelle nous n’étions pas préparés éclata. L’Orient, dans sa globalité, a sombré définitivement dans le chaos. Sa chute a attiré avec lui des nations trop grosses pour ne pas s’impliquer. Cela a été le premier affrontement conventionnel pour le contrôle des restes. C’est alors que nous avons commencé à parler de victimes. De toutes les configurations possibles, la Chine s’est hissée comme nouveau super-pôle mondial. Sa discrète influence sur l’Afrique a mutée en une domination agressive du continent. L’Europe, divisée par la xénophobie, n’était pas en mesure de riposter. Ils ont appelés au boycott, à la haine, à la guerre. Face à la pression des peuples, des mesures armées ont dû être prises. La peur, instaurée par l’insécurité, s’est mise à grandir. Les Etats-Unis d’Amérique, confortables avec ses minces réserves se sont mis à dédaigner ses alliés. Le temps a cessé d’être à l’entraide et au chapeautage. Il a fallu nourrir les gens, les loger et il est devenu impératif de conserver leurs besoins primaires. Le conflit ouvert s’est propagé sur l’ensemble du vieux continent. La Russie, muette jusqu’à lors, a décidé de s’impliquer du côté asiatique. Des gouvernements ont été déchus causant ainsi la transformation de territoires entiers en no-man’s land incontrôlables.
En octobre 2027, par des moyens encore troubles à ce jour, neuf centrales nucléaires de la côte Est des USA ont été infiltrés. Aujourd’hui, nous ne pouvons ignorer les répercussions de ces actes terroristes. Le 23 au matin, une série d’explosions a entraîné la destruction de la moitié du pays. Les retombées se sont ressentis jusqu’au Mexique.
Mais ce n’est pas le pire. Non, citoyens. Car lorsque l’humanité a touché le fond du gouffre, elle s’est rendu compte qu’elle n’y était pas seule. Des espèces parasites, ces « créatures », ces « monstres » de légende, sont sorties de leur prison d’obscurité pour revendiquer les territoires qui, autrefois, étaient les nôtres. C’est un monde perdu que nous cohabitons aujourd’hui. Perdu mais jamais autant peuplé de danger. Pour cela qu’il a été impératif de vous isoler, vous américains et les restes de votre nation. Le Mur Nord et le Mur Sud ne sont pas contre vous, mais bien pour nous.
Alors, pour ces milliards de morts, nous nous excusons. Pour ces millions de réfugiés, nous nous excusons. Pour vous, hommes, femmes et enfants du monde qui êtes à présent prisonniers nous nous excusons. »
Fin de l’interruption.
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Début des années trente, 2030, les fractures qui se forment depuis le XX siècle sont devenues des crevasses béantes. Tension raciales, crises économiques, pollution irréversible, exploitation des masses, inculture généralisé, ce sont des mots durs qui ne font plus peur. Ils énervent. Ils attisent la haine des gens. Cette haine est instrumentalisée pour assoir le pouvoir des Grands ; dont l’opulence croît encore et encore. Mais elle a un coût aussi, car il faut qu’elle s’exprime sur autrui ou dévorer ceux qui la nourrissent. Pour cela l’Homme a un grand mot ; il a la Guerre. Mais de toutes, aucune ne fut si proche d’anéantir notre espèce.
2032, année bissextile. Le pétrole est épuisé. Plus aucun moyen ne rentabilise l’extraction. Les autres sources fossiles ne sont pas suffisantes pour combler la demande. Une convergence d’intérêts se présente alors entre le dernier réservoir de gaz, la Russie, et la superpuissance mondiale, la Chine. Les Etats-Unis sont brisés et tremblent de peur. Ils obligent leurs alliés à tourner le dos à l’alliance Blanc-Rouge. La tension monte. Chaque nation avait son mot à dire, chacune son opinion du conflit. En quelques mois, les alliances se firent et se brisèrent pour que l’une après l’autre les zones du globe tombent dans le chaos d’une guerre totale. Octobre 2032, le sabotage et l’explosion d’une centrale en Turquie fait quarante mil morts. L’invasion au nom de l’expansion bienfaisante commence.
Empire de l’est contre puissances de l’ouest. Au départ la Guerre fut des plus rétrogrades, l’absence de pétrole rendant obsolètes les innovations du XXIème. Mais la Guerre ne reste pas gentille bien longtemps. Abandonnée par les alliés anglophones, les nations de Schengen sont acculées. Les Etats d’Europe furent les premiers à user des bio-armes pour éradiquer le camp adverse. Coup de maître dans les Balkans, la logistique russe meurt par à-coups de peste. Il fallait profiter de la surprise, disaient-ils, sinon la défaite était assurée. Sans appel, la riposte fut nucléaire.
Juin 2033, l’évènement sobrement nommée la Chute condamna un tiers du globe. Les technologies de bouclier aérien permirent d’éviter le gros des dégâts dans les pays dotés des moyens pour les mettre en œuvre. L’absence de vecteur aérien fiable évita le reste. L’Asie du sud-ouest, l’Amérique du centre, l’Australie n’eurent pas cette chance. Trois milliard de mort en trois jours, un autre dans les semaines qui suivirent. D’une Guerre pour des ressources fossiles et minières ont passa à un conflit autour de zones habitables pour une population affamé.
Affamé par le déploiement des troupes et la multiplication des fronts. On se battait en guerilla sanglantes dans la nature, on pillait pour maintenir l’effort. Les villes étaient des escarmouches où chaque camp rivalisait d’ingéniosité pour repousser l’adversaire. La Chute précipita également l’Hiver qui vit un ralentissement dans les conflits. Un statuquo fut instauré, pour la saison froide. Les températures les plus basses depuis deux siècles. La population compta par milliards les gens morts durant ce temps.
Mais un chef n’appréciait pas la tournure des évènements. Il s’appelait Iuri Kolomitzev-Masashi, commandant en chef des forces de coalition Russo-Sino-Nippones : l’Alliance Sang-Neige. La guerre totale s’enlisait, et avec elle l’espoir de trouver des terres propices aux peuples élus du nouvel empire d’orient. Les USA isolationnistes rechignait à entre en conflit sur leur continent si ce n’est pour limiter l’afflux de leurs voisins du sud. Ils apportaient une aide aux forces de l’ex-OTAN, sans autre répercutions. Mais ils restaient une menace. Masashi ne pouvait l’admettre. Même si la population se comptait en un maigre trois milliard, que les terres habitables avaient était divisés par dix et que les experts annonçait que aucune mesure ne pourrait défaire les dégâts causés au globe ; Masashi souhaitait l’annihilation complète de leur ennemis.
La réponse lui fut présentée par un homme dans la quarantaine, blond et asiatique : Yan Low, son conseiller spirituel. Comme bien des conquérants avant lui Masashi était profondément intéressé par les possibilités d’un monde surnaturel. Mais contrairement à tant d’autres, son entourage n’était pas constitué de charlatans. Low, parmi tous, fit découvrir que les mythes étaient vérités ; les légendes, biographies. Il comprit que résidait dans ce domaine la clé pour une victoire rapide et la mit en marche.
Yan Low faisait partie de l’élite d’une confrérie de mages renégats isolés en territoire Russe. Leur pratique s’appelait la Manipulation, et remontait aux origines du genre humain. Ils s’appelaient les Porteurs de Lumière. En secret, le Centre de Recherches, d’Invocation et de Militarisation du Supranaturel (CRIMS), fut bâtit dans la campagne désertée de Croatie. Y vinrent les Porteurs, mais également un autre aspect du supranaturel oublié : Les Créatures. La Coalition scella des pactes avec ses populations supranaturelles, dispersées au travers de leur large territoire, incorporant à ses projets tout ce qui avait crocs et griffes et n’hésiterait pas à les user envers l’ennemi. Fatigués de la Mascarade, ou la tradition de l’effacement, nombreuses furent les candidatures. Des recherches biomédicales et théo-occultes furent entreprises. Progressivement, des méthodes et équipes furent misent en place à des fins d’action. Les Manipulateurs faisaient des ravages dans les rangs ennemis. Aucun soldat de l’OTAN ne se sentait en sécurité quand le soleil se couchait.
L’avantage fut décisif, et les USA entrèrent dans la guerre avec le moral en berne. La Coalition des Entités Chrétiennes, un vaste mouvement identitaire qui avait uni l’Europe, fût rejoint par une Confrérie de Manipulateurs Méditerranéens séculaires. Leur motivation n’était pas altruiste mais mû par la peur d’une suprématie de la branche russo-chinoise. Les USA, se reposant sur l’apport des tribus Navajo pendant la guerre du Pacifique, élargissaient leur programmes jusqu’à là minoritaires sur le supranaturel pour former un nouveau type d’unité apte à renforcer leurs alliés du vieux continent et à combattre les incursions sur leur sol de l’armée chinoise. Armés, de part et d’autres par ses moyens la Guerre repris intégralement au début de l’année 2035.
Si la guerre biologique tua les populations et la guerre nucléaire les régions, alors la guerre supranaturel tua l’âme de l’humanité. Les zones vides se formaient plus vite que l’on ne l’avait prévue. Les créatures misent au grand jour se multipliait sans limite et la trop grande application des Manipulateurs déséquilibra le fragile voile de la réalité. Le trente et un octobre 2036, par un chaud après-midi d’automne en Pologne, se déroula la bataille du Val. Les Russes, avec les Chinois étaient au cœur de l’Europe. Les USA avaient perdu la moitié de leur territoire au profit Sino-Japonais, alors que l’Océanie était devenue un territoire sauvage ravagé par une sécession de la branche supranaturelle. Le sort stratégique de l’Europe, puis par extension du monde reposait dans la conquête ou du moins la tenue de cette vallée.
On ignore encore les premiers qui eurent l’idée de l’invocation, mais par désespoir des Manipulateurs voulurent matérialiser une entité non-terrestre. De la même façon que l’air chaud et l’air froid qui se mélangent font des orages, le voile qui se brise sur le réel altère l’univers de façon apocalyptique. Sur les rebords de la montagne où s’accomplit le rituel, on n’entendit pas les hurlements. Puis dans un fracas métallique, la montagne disparue. Le choque se dispersa dans les airs et l’eau, couru aux travers des êtres vivants et des minéraux de tel façon qu’aucun n’en fut différent. Beaucoup de manipulateurs devinrent fous et dans une transe frénétique se retournèrent contre leur camp. Ce fut l’hécatombe, le sacrifice de milliers d’humains aux pouvoirs de portée divine. Après la Chute, ce fut le Rebond qui dura un mois, une semaine et deux jours. Pendant ce temps, la Guerre n’exista plus. Elle fut remplacée par la survie face aux énergies incontrôlés des Manipulateurs, la perte de contrôle des créatures et la débandade mondiale. Quand le calme revint, on ne put compter les morts.
En 2037, une trêve fut signée par les derniers lambeaux d’Etats. L’Asie du sud-est forma un empire illusoire s’appuyant sur les gloires d’antan. La Russie, grand acteur de la Guerre récupéra des territoires et devient une Fédération fragile. Du moins dans les zones vivables qu’il lui restait. L’Europe était vassale des slaves, morcelée et épuisée. Les habitants se regroupaient dans des villes fortifiés avec peu de contact entre elles et assujettis aux représentants de l’Union Rouge. L’Afrique fut désertée par les puissances et livré à sa population après avoir été le théâtre des plus violents affrontements pour le contrôle de ses ressources. Les USA, ravagés sur la moitié de leur territoire, perdirent l’autorité de leur sol au profit de diverses nations dont la Nation Red, ex-Chine. La Côte Est devient le vestige relatif de la civilisation des colons face aux contrées sauvages de l’Ouest. On ignore ce qu’est advenu la partie sud des Amériques, après l’incident du centre du CRIMS Chilien qui provoqua la disparition de quatorze millions de personnes.
Nous sommes en 2040, à RockPoint, dans les contrées Sauvages, la Guerre est un souvenir douloureux et le Rebond un choc encore frais. Les Manipulateurs sont honnis mais craints, les créatures parcourent de nouveau leurs terrains de chasse face aux humains divisés. La nourriture manque, le danger est partout. La civilisation ne veut plus rien dire. Que faites-vous ?